Une étude des circulations entre les communautés chrétiennes d’Europe et de Méditerranée
Le projet propose de réfléchir à la notion même de norme ecclésiastique, entre pratique et modèle : quels sont les processus suivis dans l’énonciation d’une norme et qu’en est-il de son pouvoir performatif par rapport aux pratiques quotidiennes de l’Église ? La pertinence de cette interrogation ne se révèle pleinement que sur la longue durée qui dépasse largement les barrières entre les époques médiévale, moderne ou contemporaine et les démarcations entre les spécialistes de l’Orient ou de l’Occident, les théologiens ou les historiens. Seule une approche comparatiste entre périodes et entre territoires, à l’intérieur de contextes politiques variés, permet de saisir véritablement des phénomènes qui sont loin d’être linéaires.
La notion de normes renvoie d’abord à un processus d’institutionnalisation, donc à la définition des autorités ; ensuite à une histoire des régulations à différentes échelles et enfin à une histoire du droit et de sa codification dans un dialogue avec les pratiques des différentes communautés locales. La notion d’Ecclesia est à étudier de près, notamment l’adoption du couple Ecclesia/ecclesia en Occident dans une perspective croisée avec les Églises orientales (sur le temps long du programme, histoire complexe, d’une institution dominante, englobante à une institution en tension avec d’autres Églises, mais aussi d’autres institutions laïques, notamment les pouvoirs souverains princiers, royaux ou impériaux). Elle pose la question de la définition de l’autorité, avec sa hiérarchie, ainsi que du rapport à la diversité et à l’altérité.
Cette démarche conduit ainsi à réévaluer l’emploi et la définition des catégories. Elle offre l’occasion d’analyser les termes d’Orient, d’Occident, d’Europe, de latinité, de Terre sainte et de chrétienté, dont il faudra faire l’histoire à partir du IXe siècle, tout en prenant en compte leur analyse par l’historiographie et leur entrée dans le champ des sciences sociales à partir du XIXe siècle.
Le XIXe siècle étant celui de l’émergence de nos propres catégories, nous entendons utiliser la contrainte de la constitution des sciences sociales pour repenser les objets mêmes sur lesquels porte notre projet, dans une perspective croisée à différentes échelles. L’approche comparée étant fonction à la fois du questionnaire – et donc des catégories utilisées dans les différentes traditions et sur le temps long –, de la nature, de l’accessibilité et de l’éventuel déséquilibre des archives produites par les différentes communautés religieuses, l’un des objectifs du programme sera d’équilibrer ces comparaisons.
Dans cette perspective, une part importante de ce projet sera consacrée aux missions en archives, destinées à produire de nouvelles données. Elles seront menées dans les trois espaces mis en relation par le projet: l’Europe centrale et orientale, l’espace égéen et le Proche-Orient. Les rencontres scientifiques, alternant séminaires et colloques, seront l’occasion d’encadrer les différentes missions et de réfléchir collectivement aux données ainsi récoltées.
Le programme conduira enfin à la rédaction d’un ouvrage ne se voulant pas exhaustif mais privilégiant l’angle le plus novateur, fruit d’une réflexion collective sur les données produites au gré des missions en archives et des différentes rencontres.
